Campagne de 1870 de François SAGUI (1841-1909)

Préambule

Victoire Marguerite Honorine POMAREDE née le 01 juin 1770 à Thuir, de Pierre, meunier et de Marie OLIVIER. En 1791, elle quitte sa famille nombreuse pour venir s'installer à Cabestany. Les stocks de nourriture baissant dû à la dépréciation des assignats incitant les pays à garder leur récolte, la contrebande croissante et la sécurité qu'offrent les places fortes durant cette période de troubles intérieurs et extérieurs, incitent les populations à immigrer vers Perpignan. La population du Roussillon est de 125 000 habitants.

Les 25 000 hommes de l'armée du Général Antonio RICARDOS envahissent le Roussillon à partir du 17 avril 1793 en entrant par Saint Laurent de Cerdans avant de descendre la vallée du Tech jusqu'à Céret qui tombe le 20 avril. L'armée des Pyrénées du général Flers sont rassemblées autour de Perpignan et sont retranchées à Thuir. L'armée de l'an II proclame l'unité de la nation mais se comporte en terre étrangère; à l'inverse, l'envahisseur espagnol a parfois envers les Roussillonnais des égards qui ne sont pas sans arrière-pensée politique. L'armée espagnole vainc le 19 mai l'armée française du général DAGOBERT, à la bataille de Mas Deu à l'est de Trouillas, qui fuit vers Canohès.

Le 20 mai 1793, la plaine d'Aspres est un décor apocalyptique jonchée de cadavres, de canons restés dans les batteries par la fuite des charretiers, des canons détruits sont jetés au fond des ravins. La multitude des militaires et des fuyards réfugiés au cœur de la ville de Perpignan compromet l'équilibre, terrorise les habitants. Cette panique oblige le commissaire ordonnateur à autoriser la prise des maisons des émigrés, des églises, des couvents pour se loger chez l'habitant. La construction du camp de l'Union pour désenclaver la ville de Perpignan des militaires est entreprise par le chef du génie Gignious De Vernède Jean Philippe, et l'ouvrage s'étend du moulin d'Orles, au bourg de Cabestany en passant par le mas de Serrat d'en Vaquer.

L'armée espagnole parvient jusqu'en septembre à prendre toutes les zones fortifiées de la région frontalière ainsi que les localités de la vallée du Tech : Banyuls-dels-Aspres, Céret, Arles-sur-Tech… Battu à Peyrestortes le 17 septembre, le général Ricardos prend une revanche éclatante lors de la bataille de Trouillas le 22 septembre. Il bat à nouveau les troupes révolutionnaires dans les Aspres, conquiert les localités de Port-Vendres ainsi que le fort Saint-Elme, et Collioure le 27 décembre 1793.

Les victoires françaises du Tech le 28 avril 1794 et des Albères le 30 avril, permet le 1er mai 1794 à l'armée française sous les ordres des généraux Augereau et Dugommier de prendre position face au camp ibérique du Boulou, où bientôt les luso-espagnols vont battre en retraite.

Victoire Marguerite Honorine POMAREDE épouse Pierre PASTOR, chirurgien, le 05 novembre 1794. Pierre Pastor est né à Thuir en 1761 et installé à Cabestany depuis 1790 environ. En 1795, Emmanuel Joseph Etienne SAGUI né le 25 décembre 1776, fils d'un négociant de Céret, Etienne SAGUI, né en 1739, et de Marie PARèS, brassier, vient s'installer à Cabestany. Le nom de SAGUI est une variante de Segui, qui est un nom de personne d'origine germanique, Sigwin (sigi = victoire + win = ami) ou Sighari (sig = victoire + hari = armée).

Victoire Marguerite Honorine POMAREDE se marie en seconde noce, le 25 septembre 1803, (le 2 vendémiaire de l'an 12) à Cabestany avec Emmanuel Joseph Etienne SAGUI. Le dimanche 20 novembre 1808, une sage-femme et deux témoins déclarent la naissance de François Joseph Jean Baptiste, fils de Honorée POMAREDE, conçu cinq mois après la mort de son mari, Joseph Etienne SAGUI, et donc de père inconnu.

Le 15 janvier 1833, Jean Baptiste SAGUI épouse Elisabeth FANJAUD née en 1812. François Pierre Thomas SAGUI est né le 1er mars 1841 à 02h00 à Cabestany dans la maison de son père, Jean Baptiste SAGUI, brassier.

François SAGUI, jeune soldat de la 2e portion de la Classe 1861, est décrit les cheveux et sourcils blonds, yeux bleus, front moyen, nez mince, bouche grande, menton rond, visage ovale, sans marques particulières, de taille 169cm, journalier. Il est affecté à l'infanterie du 1er octobre au 30 décembre 1862 et du 5 janvier au 4 mars 1864. Au conseil de révision, il apparait souffrir d'une myopie. Il reçoit son congé de libération définitif le 31 décembre 1868.

Le 1er mai 1870, Baptiste SAGUI décède. Une bataille pour sa succession s'engage entre François et sa fratrie. François est alors revendeur de pommes de terre et son grand frère, Baptiste, revendeur d'huile.

La Guerre de 1870

Le 16 juillet 1870, la guerre est déclarée. Rappelé comme militaire le 16 août 1870. Son régiment, le 62e RI se bat à Gravelotte le 16 août et à Saint-Privat, le 18. Le 22 août 1870, le Tribunal Civil de Perpignan demandait une seconde expertise.

La loi du 10 août 1870 rappelle au drapeau tous les hommes de 25 à 35 ans. Par décret du 17 août, l'état de siège est proclamé dans les Pyrénées-Orientales. Le rappel sous les drapeaux conduit François à rejoindre le dépôt du régiment à Beauvais le 29 août 1870.

La capitulation de Napoléon III provoqua un soulèvement populaire à Paris, la chute du Second Empire et la proclamation de la République, le 4 septembre 1870. Le 30 septembre, Musique en tête et sans coup férir, la Brigade SENFFT renforcée du 2e régiment à pied de la garde prussienne s'empare de Beauvais. Le 4 octobre, le dépôt part de Rennes pour Lorient où il arrive le même jour, à la caserne BISSON.

Le 10 octobre 1870, départ de la 1ère compagnie du dépôt pour se rendre à Saint-Brieuc, sous-lieutenant DROUOT, un officier et 217 hommes dont François partent comme volontaires rejoindre le 36e régiment de marche d'infanterie au sein du 16e corps d'armée du Général MALHERBE.

Uniforme de l'infanterie de ligne : Tunique en drap bleu foncé à deux rangées de 7 boutons ; col jonquille avec passepoil bleu ; parements bleus avec passepoils jonquilles ; épaulettes écarlates ; boutons en cuivre avec le numéro du régiment ; pantalon garance tombant droit sur le cou-de-pied ; guêtre en cuir ou de toile blanche selon la tenue ; le képi garance avec bandeau bleu portant le numéro du régiment décoré en drap jonquille ; pompon à flamme écarlate ; jugulaire en cuir ; grand équipement en cuir noir.

Armement du soldat : Le fusil Chassepot modèle 1866 français, avec une munition de calibre 11 mm, a une portée utile de 600 mètres. La dotation du fantassin français est de 134 cartouches par homme. Le pistolet Lefaucheux modèle 1870 de marine est aussi employé.

Affaire de Torcay

Le 17 novembre, le deuxième bataillon (Commandant Laflaquière) quitta ses positions de la Ville aux Nonains pour se porter à Saint Maxime. Ce bataillon arrivait vers dix heures et demie du soir et recevait l'ordre d'aller en toute hâte couvrir le village de Torsay, où il arriva le 18 novembre à quatre heures du matin. Il avait à sa gauche la mobile de l'Eure et à sa droite les francs tireurs de la Gironde.

À midi, l'ennemi attaquait avec une artillerie puissante le passage du pont. Après trois heures de combat, les munitions commencèrent à s'épuiser. Le commandant Laflaquière commença son mouvement de retraite. Les mobiles de l'Eure avaient dès le début de l'action, abandonné toutes leurs positions. Quatre compagnies résistèrent seules pendant trois heures à toutes les forces de l'ennemi qui possédait artillerie et cavalerie, ce combat coûta 250 hommes tués, blessés ou disparus.

Affaire de Digny

Le même jour 18 novembre, à deux heures, Digny était aussi attaqué par Ardelles. Aux premiers coups de feu, les mobiles se débandèrent et se jetèrent en désordre sur Digny. Les trois compagnies du commandant PERROT se portèrent résolument à la rencontre de l'ennemi qu'elles repoussèrent en lui faisant éprouver des pertes sensibles et qu'elles purent maintenir jusqu'à 10h du soir.

Monsieur le docteur EYNAUD à sa rentrée au régiment le 09 décembre à Blois a présenté au Lieutenant Colonel MARTY, la liste de quarante-huit hommes blessés dans ces deux affaires, quelques blessés non transportables étaient restés sur les lieux du combat. En visitant les ambulances prussiennes, le docteur a constaté la présence de 95 blessés ennemis provenant de ces deux affaires, de Torsay et Digny.

Chambord et Montlineau

Le 8 décembre, la brigade occupe le parc de Chambord. L'ennemi passe le pont sur Mer sans être signalé. Lorsque la brigade reçoit l'ordre de se replier sur Blois, les Prussiens s'avançaient dans le parc.

Le premier bataillon du commandant SENAUX est envoyé à Montlineau. L'ennemi est délogé d'un bois de sapins mais l'attaque inattendue des Prussiens, cachés dans les massifs des bois de Chambord, jette le trouble dans toute la division. Les mobiles de Corèze abandonnent leurs armes et prennent la fuite, entraînant dans cette panique le reste des troupes.

Affaire de Vendôme

Le 31 décembre, le 36e entre en ligne à midi et demi. La ferme de la Belle Etoile est enlevée avec vigueur et les Prussiens sont refoulés jusque dans Vendôme. L'artillerie prussienne établie au vieux château de Vendôme et sur les hauteurs avoisinantes nous envoie une pluie d'obus qui rend toute attaque impossible. Le combat ne finit qu'à la nuit close.

Affaire du Gué du Loir et Mazangé

Le 6 janvier, le 2e bataillon reçoit l'ordre de se porter vivement vers MAZANGUÉ et de se mettre à la disposition du colonel RÉGNIER du 46e de marche. Deux compagnies sont déployées en tirailleurs, traversent le Gué et refoulent les prussiens jusqu'au sommet d'une montagne voisine. Ces compagnies ont su conserver leurs positions conquises jusqu'au signal de la retraite.

Le capitaine VIOL fut mortellement blessé dans cette affaire. Les sous-lieutenants furent blessés, un lieutenant prisonnier, 128 hommes tués blessés ou disparus.

Affaire du Poirier

Le 7 janvier, les deux bataillons quittent Fortan. Une panique d'un bataillon de mobiles de la Mayenne force deux compagnies du régiment à supporter seules l'attaque de l'ennemi. Les hommes résistèrent et conservèrent la position du Poirier jusqu'à leur dernières cartouches.

Affaire du Mans

Le 11 janvier, le régiment arrive au Mans pour concourir à sa défense. Le régiment, sous les ordres du général le BOUEDEC, partit à 9 heures du soir, mais l'ennemi avait concentré ses forces à la Tuilerie. Les troupes restèrent en position dans la neige jusqu'au 12 à 11 heures du matin, plusieurs hommes périrent de congélation.

L'ordre d'évacuer le Mans était donné, le régiment suivit le mouvement général de retraite sur Laval. L'armistice général intervint le 15 février.

La vie de famille

Le 15 février 1877, François se marie avec Marie Rose Catherine FOURCADE, sans profession et née le même jour que lui à Urbanya en 1854. Le 18 juillet 1877, il achète une pièce de terre attenante à la bâtisse pour agrandir son terrain. Le 18 février 1878 naît Marie Thérèse Elisabeth SAGUI. En 1889 François SAGUI construit sur le terrain attenant un magasin d'épicerie et de mercerie, et une autre bâtisse servant d'écurie, cave et grenier. Il est propriétaire de 6 pièces de vigne de 3ha60 dit "la dagoille".

Le 12 mars 1875 il demande l'autorisation de bâtir une maison. Il construira le premier café de Cabestany, et une salle de danse, première maison du village éclairée au gaz (lampes acétylènes).

En 1906, François SAGUI-FANJOU est âgé de 65 ans, propriétaire épicier, vit avec Marie FOURCADE, 52 ans d'Urbanya, et sa fille Marie SAGUI.

Le Monument aux morts de la guerre de 1870-1871 est érigé à Perpignan en 1895. Aujourd'hui un total de 301 noms sont gravés sur le monument.

Le 24 août 1907, François SAGUI meurt en sa maison à l'âge de 66 ans. Son épouse, Marie, décédera le 10 octobre 1924.

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